Publié sur Arabie Saoudite : le Roi Salman verrouille sa succession
Nous souhaitions revenir sur un évènement qui s’est déroulé il y a près d’une semaine en Arabie Saoudite, et sur lequel la presse « main stream » n’a guère insisté, malgré son importance capitale.
Il s’agit d’un décret publié le 21 juin dernier par l’agence officielle saoudienne Spa, dans lequel le souverain Salman Ben Abdelaziz Al-Saoud a promu son fils Mohammed, 31 ans, prince héritier du trône, au détriment de son neveu Mohammed ben Nayef.
Une modification inédite, qui est tombée à la surprise générale, dans un contexte tendu sur le plan intérieur, et non moins délicat sur le plan externe avec une crise ouverte avec le Qatar, l’enlisement de la guerre au Yémen et les tensions de plus en plus violentes avec la République islamique d’Iran.
Avec cette nomination, le roi actuel modifie l’ordre de succession qui était auparavant exclusivement réservé aux fils directs du fondateur du royaume, Abdel Aziz Al-Saoud, pour l’élargir aux petits-fils de ce dernier (selon la règle adelphique, le plus âgé des fils du fondateur de la dynastie accédait au pouvoir). Cette modification, loin d’être anodine, signifie un tournant majeur dans l’histoire de la monarchie wahhabite. Elle règle provisoirement la difficile question de la succession et marque un mouvement tactique dans ce pays en pleine mutation.
En réalité, ce décret royal est l’épilogue d’une guerre de succession qui a débuté il y a deux ans, lorsque le roi Salman, couronné en 2015, avait intégré son fils et son neveu Mohammed ben Nayef (au rang de prince héritier) dans la succession, rompant avec cette tradition adelphique et annonçant l’avènement de la seconde génération des successeurs d’Abdelaziz.
Jusqu’à là, le prince héritier était le neveu du roi, le très populaire Mohammed ben Nayef, qui cumulait les fonctions de ministre de l’Intérieur, vice-premier ministre et chef du renseignement, chargé de la lutte antiterroriste, tout en étant l’interlocuteur privilégié du clergé.
Il a progressivement été marginalisé par son cousin et fils du roi, Mohammed ben Salman, qui fut placé à la tête du ministère de la Défense début 2015, mais aussi à la présidence du puissant Conseil des affaires économiques et de développement et nommé conseiller spécial du souverain. Il en a profité pour se saisir des dossiers sécuritaires que traitait son cousin, en les plaçant sous l’autorité de la Défense ou de la Maison royale.
Depuis la semaine dernière, il a ainsi évincé le prince héritier et a été nommé vice Premier ministre à sa place, ayant préparé cette désignation de manière très offensive.
En effet, même si la nomination a été approuvée par 31 des 34 membres du Conseil d’allégeance, chargé de régler les successions dans le royaume, des doutes planent sur ce vote qui a eu lieu en un temps record, et des rumeurs font état de pressions exercées sur les membres du conseil, dont les suffrages pourraient avoir été achetés d’une manière ou d’une autre.
Ben Nayef a ainsi été démis de toutes ses fonctions, et malgré le fait qu’il ait été filmé dernièrement en train de prêter allégeance à son cousin, il semblerait que son éviction n’ait pas été du goût de tous et que la colère gronde parmi les Saoud. D’aucun n’hésitent pas à parler de « coup d’état ».
On se souvient ainsi qu’en décembre dernier, une pétition signée par 21 princes les plus renommés, dont Tourki ben Fayçal, Walid ben Talal, Mohammed ben Nawef et Khaled ben Turki, dénonçant toute éventuelle décision du roi saoudien de nommer son fils en tant que nouveau prince héritier et mettant en garde le souverain des conséquences désastreuses d’une telle décision.
D’ailleurs, pour prévenir toute fronde ou rébellion au sein de la cour royal, le nouvel héritier du trône aurait déjà pris des disposions, comme la mise en résidence surveillée de Mohammed ben Nayef.
Par ailleurs, l’attentat déjoué le vendredi 23 juin à la Mecque et visant la mosquée Al-Haram pourrait, selon certains, avoir été monté de toute pièce par Mohammed ben Salman, afin de lui attirer la sympathie populaire et détourner l’opinion publique du limogeage de Ben Nayef.
Quoiqu’il en soit, il semblerait que le roi Salman devrait abdiquer prochainement en faveur de son fils, ce qui augurerait de changements conséquents, notamment sur le plan régional.
Sans formation académique et à la réputation de jet-setter amateur de yachts et de belles voitures, l’héritier de 31 ans a débuté comme ministre de la Défense en 2015, entraînant le pays dans sa désastreuse guerre contre le peuple yéménite. C’est également lui qui est à l’origine de la décision d’isoler le Qatar à travers le blocus qu’il lui impose depuis début juin, et d’une politique beaucoup plus offensive, voire agressive, envers la République islamique d’Iran, et les chiites en général.
En effet, Mohammed ben Salman est l’homme idoine pour servir les projets américano-sioniste dans la région, cette nomination ayant été évidemment approuvée par Washington et Tel-Aviv.
Avec cet homme arrogant et inculte, qui a déjà montré son incompétence, le Royaume s’engage sur une voie dangereuse, celle de la confrontation avec « l’Axe de la Résistance », au grand bénéfice de l’entité sioniste et des USA, ses deux parrains et maîtres, qui se frottent déjà les mains.
Pour preuve, le journal israélien « Haaretz » a salué la nomination de Mohammed ben Salman, précisant qu’elle était « une bonne nouvelle, en raison de ses positions fermes envers l’Iran, mais aussi envers le Hezbollah et aussi envers les Frères musulmans. Raison pour laquelle il constitue un partenaire stratégique important pour Israël ».
Quant à la République islamique d’Iran, consciente des enjeux, elle a clairement mis en garde le nouveau prince héritier et son bellicisme affiché.
En effet, le porte-parole des Gardiens de la révolution iranienne, le général Ramadan Charif, a prévenu le prince héritier, lors d’une interview à la télévision iranienne, « de ne pas menacer la sécurité et la stabilité de l’Iran ». L’invitant à « tenir compte et prendre conscience de la puissance et de la précision des missiles iraniens » ajoutant que « tout comportement provocateur de la part de l’Arabie Saoudite sera affronté par une riposte sévère, rapide et claire de la part de Téhéran, sachant que les stocks de l’Iran sont remplis de missiles ». Et de poursuivre :
« l’Arabie a officiellement déclaré la guerre à l’Iran et donc, nous affronterons avec force ce genre de menace » se référant aux déclarations récentes de Mohammed ben Salman à l’encontre de l’Iran.
Pour le journaliste et expert anglais David Hearst, l’intronisation de Ben Salman, que certains désignent déjà comme « le prince du chaos », ouvrira une « nouvelle aube pour les Saoudiens, mais aussi pour des millions de personnes dans la région, qui sera soumise à des dizaines d’années de turbulences, de guerres civiles, de conflits par procuration et d’effusions de sang ».
Le Parti Anti Sioniste accueille cette nomination avec une extrême attention, car celle-ci semble entrer dans un plan de confrontation régionale, mis en place par les américano-sionistes, et dont la cible est clairement l’Axe de la Résistance.
Mohammed ben Salman, nouveau pantin de l’impérialo-sionisme, ne semble pas conscient du rôle que ses maîtres lui ont attribué : entraîner le monde musulman dans un conflit confessionnel de grande ampleur afin d’éradiquer les forces de la Résistance et liquider la cause palestinienne.
Nul doute que ce nouveau complot viendra s’échouer contre la volonté de ces mêmes forces de la liberté, qui luttent sans relâche pour la justice et la vérité.
L’histoire est en marche, et rien ne pourra l’arrêter.
Yahia Gouasmi
Président du Parti Anti Sioniste
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