Publié sur Nouveau départ pour la Turquie d’Erdogan
Alors que le putsch avorté du 15 juillet dernier visant à renverser le président turc Recep Tayyip Erdogan n’a pas encore livré tous ses secrets, il apparaît clair qu’il aura des conséquences importantes, tant sur le plan interne, qu’en termes de politique étrangère, qui risquent de bouleverser la donne au sein de la société turque, comme au Moyen-Orient.
Signe de ces changements qui s’annoncent, quelques jours après le coup d’État manqué, le président Erdogan a confirmé à son homologue iranien, Hassan Rohani, lors d’un appel téléphonique, que son pays était prêt à collaborer avec l’Iran et la Russie pour la stabilité de la région.
Plusieurs observateurs y voient là un début de rapprochement du régime turc avec le pouvoir légitime syrien, après plusieurs années de soutien aux terroristes des différents groupes, n’ayant produit que destruction et instabilité dans la région et dans son propre pays.
Concernant le coup d’État, les deux principales analyses oscillent entre un « false-flag » organisé par Erdogan lui-même afin d’asseoir un peu plus son autorité et éliminer ses opposants, et une tentative avortée des puissances occidentales pour se débarrasser d’un allié insuffisamment fiable à leur goût.
Les autorités turques soutiennent cette seconde théorie, en accusant Fethullah Gulen, installé aux USA depuis 1999 et très lié aux services secrets américains, d’être l’instigateur de ce coup d’État, et en y voyant la main des services de renseignements occidentaux voulant évincer le président Erdogan de la scène politique turque et régionale.
Ainsi, suite à l’échec de la tentative de renversement du président, d’immenses purges ont frappé tous les secteurs de l’État et de la société turque. Outre 10 000 militaires, près de 3000 magistrats ont rapidement été arrêtés, parmi lesquels plusieurs dizaines de juges et de procureurs du Conseil d’État et de la Cour de cassation, sans oublier deux membres de la Cour constitutionnelle.
Ces arrestations n’ont été que le début d’une immense purge qui est à l’œuvre pour transformer l’État et la société turcs, afin de les « nettoyer » de tous les partisans de Gulen, qui avaient infiltré tous les rouages du pays.
Ainsi, plusieurs dizaines de milliers de fonctionnaires ont été suspendus de leurs fonctions, pour leurs supposés liens avec le mouvement de Gulen, alors que les secteurs de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur ont été très touchés par cette épuration.
Derrière cela, l’occasion semble aussi très belle pour Erdogan, d’accélérer le processus de « dé-laïcisation » du pays, afin de rompre définitivement avec l’héritage de Mustafa Kemal (Atatürk).
Ainsi, le président turc et son parti l’AKP se trouvent être les grands gagnants de ce coup d’État raté, dont les instigateurs avaient sous-estimé la popularité indéniable d’Erdogan.
En effet, c’est en grande partie grâce au soutien d’une grande frange de la population, qui n’a pas hésité à répondre à l’appel de son leader en descendant dans la rue pour manifester son soutien, que cette tentative a été mise en échec. Ce que n’avaient pas prévu les observateurs (ou instigateurs ?) « démocrates » occidentaux, pris de court par ce renversement de situation.
D’un autre côté, la grande question est de savoir jusqu’à quel point la tentative de putsch aurait été motivée par la politique étrangère d’Erdogan, car elle coïncide avec une réorientation naissante de politique étrangère, dans le sens d’un rapprochement avec la Russie et d’un éventuel démantèlement des politiques interventionnistes d’Ankara en Syrie.
En effet, quelques jours avant le putsch, Ankara et Moscou avaient restauré leurs relations, endommagées en novembre dernier par l’affaire du SU-24 russe, abattu sur la frontière syrienne.
La réactivité de la diplomatie russe, qui a fermement condamné la tentative de putsch, entraîne aujourd’hui une nette amélioration dans les relations bilatérales, comme c’est aussi le cas avec le voisin iranien.
En revanche, les pressions européennes face à la répression d’Erdogan, l’attitude plutôt ambiguë des États-Unis face au putsch et à la question de l’extradition du prédicateur Fethullah Gülen, ont détérioré les relations entre Ankara et ses principaux alliés stratégiques occidentaux.
Ainsi, alors que les rapports avec Washington ont toujours été teintés de méfiance en raison des sympathies américaines en faveur des revendications politiques kurdes, cette fois, le ton des autorités turques vis-à-vis des États-Unis a complètement changé, pour devenir presque menaçant. Erdogan exigeant l’extradition de Gulen, qu’il a peu de chances d’obtenir, ce qui signifierait une rupture avec l’oncle Sam, ou du moins des relations sérieusement endommagées.
Du côté de l’Europe, les déclarations de leaders européens invoquant les droits de l’homme pour condamner la purge ont probablement été perçues par les autorités turques comme source d’ingérence dans la politique intérieure et un nouveau prétexte visant à bloquer les négociations d’adhésion. D’où la réaction provocatrice d’Erdogan qui a affirmé son intention d’examiner la question du rétablissement de la peine de mort, proposée par son Premier ministre, qui signifierait la fin de la volonté turque d’adhérer à l’UE, prélude à un retrait de l’OTAN ?
Cet assombrissement des relations turco-occidentales va-t-il dès lors favoriser la nouvelle proximité russo-turque et relancer l’idée d’une convergence stratégique eurasiatique avec la Russie, conçue par Ankara comme une alternative à son intégration à l’UE ?
Moscou fait ainsi remarquer que la normalisation avec la Turquie pourrait avoir des retombées positives sur la situation syrienne. Ankara a également fait allusion à une volonté de rétablir les liens avec la Syrie. De même, de manière significative, le ministre iranien des affaires étrangères Mohammad Zarif a utilisé un langage exceptionnellement fort pour condamner la tentative de coup d’État en Turquie − avant même qu’il ait définitivement échoué.
Un éventuel changement de la politique étrangère Turque est anticipé à Moscou et à Téhéran comme un événement géopolitique aux conséquences capitales pour le réalignement de la politique au Moyen-Orient et de l’équilibre global des forces.
Jusqu’à maintenant, l’alliance de la Turquie avec l’Occident restait l’axe structurant de la politique étrangère turque, mais l’expérience que vient de vivre le président Erdogan va certainement l’amener à revoir considérablement sa relation avec les pays occidentaux. Cependant, même si le pouvoir du président se trouve désormais largement renforcé, la situation de la Turquie reste néanmoins fragile. En effet, l’une des principales conséquences du coup d’État avorté pourrait être la désorganisation de l’armée, compte tenu des purges qui ont lieu, et qui pourrait considérablement affaiblir le pays au moment où celui-ci est pris dans la tourmente de la situation explosive moyen-orientale, doublée d’un contexte interne bouillonnant.
Le Parti Anti Sioniste espère qu’à la lumière des évènements dramatiques récents qui ont touché la Turquie, le président Erdogan, qui a probablement compris que l’empire n’avait pas d’alliés parmi les musulmans mais seulement des vassaux, mènera une politique étrangère indépendante, loin des intérêts occidentalo-sionistes.
Il est temps que ce grand pays musulman cesse son alliance avec les puissances criminelles occidentales et retrouve un rang digne de ce nom, en empruntant la noble voie de la résistance au projet impérialo-sioniste.
C’est un nouveau départ que l’Histoire offre au président Erdogan, il doit le saisir afin d’être à la hauteur de cette seconde chance et des espoirs que les musulmans antisionistes placent en lui.
Yahia Gouasmi
Président du Parti Anti Sioniste
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