Publié sur Intervention de la France en Syrie : pourquoi rien ne se fera sans Damas
En tant que membre permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU, et prétendant être gardienne de valeurs universelles, la France doit intervenir en Syrie dans le respect du droit international de la guerre.
Lors de sa sixième conférence de presse, le 7 septembre 2015, M. Hollande a annoncé des frappes prochaines sur le territoire syrien afin de neutraliser des terroristes français.
Nous ne sommes pas contre la guerre, nous sommes contre les guerres maladroites, pour paraphraser le sénateur de l’Illinois…Barack Obama. Lors de ce discours du 2 octobre 2002, seulement 1000 personnes étaient venus l’écouter. Il était élu président des Etats-Unis 6 ans plus tard.
Nous sommes tous dans l’attente d’une action efficace et résolue contre l’EI, qui menace très gravement la paix régionale au Moyen-Orient, qui commet des atrocités sur les populations civiles, et appelle à la guerre contre la France, directement sur son territoire national. Mais cette annonce soulève un problème juridique majeur.
Vis-à-vis du droit international et de l’ONU, la France, en la personne de son président, effectue un revirement à 180 degrés de la politique française depuis 1945, puisqu’elle accepte de recourir à la très controversée notion de légitime défense préventive.
Celle-ci, à la différence de la légitime défense dite classique (article 51 de la Charte des Nations Unies), justifie la riposte par une simple menace et non par l’existence réelle ou imminente d’une agression armée (voir pour cela l’ouvrage de Vianney Silvy Le Recours à la légitime défense contre le terrorisme international, édité en 2013, Connaissances & savoirs, singulièrement d’actualité). La notion de légitime défense préventive (plus précisément «preemptive defense») a été largement débattue lors du sommet mondial de 2005, lors de laquelle les Etats membres de l’ONU ont réaffirmé que la Charte des Nations unies restait pertinente et suffisante pour lutter contre les menaces actuelles, incluant le terrorisme moderne. Ils ont affirmé que contre le terrorisme, seule une réponse globale, sous la compétence du conseil de sécurité de l’ONU, étant à leurs yeux à même de favoriser la paix, toute action unilatérale était non seulement inefficace mais également déstabilisatrice de la paix. Cette affirmation des Etats est aussi pragmatique: le terrorisme actuel est mondiale, et dépasse les frontières. Agir unilatéralement n’amène que plus de désordres, il vaut mieux garantir des actions collectives et concertées de tous.
Dans le cas présent, en Syrie, suite à des renseignements faisant état d’une menace d’attentat en France et sans même solliciter l’autorisation de Damas, nous nous octroyons la possibilité de bombarder leur territoire. Nous sommes dans un cadre différent de celui de l’Irak, où la France bombarde depuis le 19 septembre 2014 sur demande du gouvernement irakien, qui l’a appelée en renfort pour lutter contre l’EI.
Même si elle répond aujourd’hui à une attente de la population, cette annonce de l’Etat français au sujet de la Syrie, doit absolument s’inscrire dans un cadre juridique incontestable si la France veut garder une légitimité comme membre permanent du conseil de sécurité de l’ONU.
Dès l’annonce des premières frappes, ces questions animeront le débat national: qu’est-ce qui donne à la France le droit à agir? La réponse est loin d’être évidente: la théorie du failed state (État défaillant)? Le «droit de riposte minimal»? Le «droit de suite»?
La justification des frappes sur le territoire syrien sans l’accord de Damas est difficilement justifiable par la seule théorie de l’Etat défaillant («Failed state» ; notion opposée à l’Etat fort). En effet, un Etat défaillant est défini comme un Etat qui n’a pas la capacité «d’empêcher la commission d’attaques armées depuis son territoire contre un Etats tiers» (V. Silvy, ibidem, page 147). Cependant, sa défaillance n’autorise pas une intervention sur son territoire sans son accord ou celui de l’ONU, comme l’a rappelé l’Organisation suite aux régulières incursions turques sur le territoire Irakien dans les années 90, ou russes sur le territoire géorgien pour déloger des terroristes tchétchènes en 2002.
Le droit de suite? Ce droit serait celui selon lequel la France poursuivant l’EI en Irak, serait amenée, un peu par inadvertance, à traverser la frontière syrienne. C’est la justification invoquée aujourd’hui par le Quai d’Orsay comme par les Etats-Unis, à cause du veto russe qui empêche depuis 2011 toute action validée par l’ONU sur le territoire syrien.
Le droit de riposte minimal? Certains experts considèrent qu’un Etat menacé pourrait mener des opérations micro-ciblées sur le territoire d’un Etat tiers pour se prémunir ponctuellement d’une menace terroriste. Les déclarations de M. François Hollande écartent cette hypothèse, puisqu’il semble vouloir s’inscrire dans la durée.
Lors de la crise Irakienne, Dominique Moïsi, géopoliticien et conseiller spécial de l’Institut français de relations internationales (IFRI), évoquait déjà le 23 mars 2003 le danger de créer un précédent à la théorie de la «guerre préventive» (cité par Thomas L Friedman, New York Times; voir également son article du 14/09 dans Les Echos «Pourquoi une intervention militaire en Syrie est impossible»).
Le 7 septembre dernier, le président français n’aurait-il pas péché par excès vis-à-vis des sondages d’opinion? N’oublions pas qu’avant la guerre en Irak, 64% des Etats-Uniens approuvaient l’intervention armée de leur pays. Non seulement ils sont une minorité aujourd’hui, mais la crédibilité des Etats-Unis est considérablement affaiblie sur la scène internationale.
Benjamin B. Ferencz, citoyen américain, procureur en chef au procès de Nuremberg et instigateur de la Cour Pénale Internationale, milite aujourd’hui pour la traduction des Etats-Unis devant cette même Cour.
Nous nous souvenons tous du discours de Dominique de Villepin le 14 février 2003 au conseil de sécurité de l’ONU lorsque la France contestait fermement la volonté des Etats-Unis d’envahir l’Irak à la suite de la prétendue production d’armes de destruction massives par le dictateur Saddam Hussein: «Dans ce temple des Nations-Unies, nous sommes les gardiens d’un idéal, nous sommes les gardiens d’une conscience». Ce courage de la France fut salué par de nombreuses populations de par le monde. Déjà à l’époque, la France luttait contre un dictateur brutal, irakien, comme elle le fait aujourd’hui, contre la Syrie.
Mais si nous voulons être fidèles «à nos valeurs, qui sont des valeurs universelles» selon les termes mêmes de Manuel Valls le 28 juin 2015 dans sa présentation de la lutte de la France contre le terrorisme sur Europe 1, nous devons impérativement lutter en respectant le droit international. Seulement ainsi aurons-nous encore face au monde une légitimité au conseil de sécurité de l’ONU, comme le garant du Droit de l’Homme et des peuples que nous prétendons être.
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