Sunday, November 29, 2015

Terrorisme international & Turquie : conférence de presse de Vladimir Poutine et de François Hollande…

Publié sur Terrorisme international & Turquie : conférence de presse de Vladimir Poutine et de François Hollande…

Conférence de presse de Vladimir Poutine et de François Hollande (Le Kremlin, 26/11/2015)
Conférence de presse de Vladimir Poutine et de François Hollande (Le Kremlin, 26/11/2015)

Conférence de presse de Vladimir Poutine et de François Hollande (Le Kremlin, 26/11/2015)

Vladimir Poutine, président de la Russie :

Mesdames et Messieurs, bonsoir. Nous venons de mener des négociations substantielles avec le président français, qui ont été tenues de manière constructive et basées sur une relation de confiance. Naturellement, nous avons consacré la plus grande attention à la question de la lutte conjointe contre le terrorisme international.

L’attaque barbare contre l’avion russe au-dessus de la péninsule du Sinaï, les horribles événements à Paris et les attaques terroristes au Liban, au Nigeria et au Mali ont causé un grand nombre de victimes, dont des centaines de citoyens russes et français. C’est là notre tragédie commune et nous restons unis dans notre engagement à trouver les coupables et à les traduire en justice.

Nous avons déjà intensifié l’opération des forces armées russes contre les terroristes en Syrie. Nos actions militaires sont efficaces : les militants du soi-disant « Etat Islamique » et d’autres groupes radicaux subissent de lourdes pertes. Nous avons perturbé les mécanismes de fonctionnement des extrémistes, endommagé leur infrastructure militaire et miné considérablement leur base financière. Je me réfère, en premier lieu, au commerce illicite de pétrole, qui génère d’immenses profits pour les terroristes et leurs soutiens.

Ceux qui appliquent des doubles standards dans leurs relations avec les terroristes, les utilisant pour atteindre leurs propres objectifs politiques et s’engageant dans des activités commerciales illicites avec eux, jouent avec le feu. L’histoire montre que tôt ou tard, de telles actions se retournent contre ceux qui encouragent les criminels.

La Russie et la France savent ce que signifie l’action dans un esprit d’alliance ; nous nous sommes unis plusieurs fois tout au long de notre histoire. Aujourd’hui, nous avons convenu d’intensifier nos efforts communs pour la lutte antiterroriste, d’améliorer l’échange d’informations opérationnelles dans la lutte contre le terrorisme et d’établir un travail constructif entre nos experts militaires afin d’éviter tous incidents, concentrant nos efforts afin de s’assurer que notre travail dans la lutte contre le terrorisme soit plus efficace, et évitant les frappes contre les territoires et les forces armées qui combattent elles-mêmes les terroristes.

 

  1. Hollande et moi-même considérons ce genre de coopération comme une contribution concrète et pratique à la formation d’une large coalition anti-terroriste, un large front anti-terroriste sous les auspices de l’Organisation des Nations Unies. Je souligne que le nombre de nations qui rejoignent cette initiative est croissant.

Nous sommes convaincus que l’éradication du terrorisme en Syrie créera les conditions nécessaires pour parvenir à un règlement final et à long terme de la crise syrienne. Nous avons convenu de continuer à travailler ensemble très activement dans le cadre du Groupe international de soutien à la Syrie et d’agir en faveur de la réalisation de tous les accords conclus au sein de ce groupe, d’abord et avant tout en ce qui concerne les délais et les paramètres pour la tenue d’un dialogue intra-syrien.

Dans les pourparlers d’aujourd’hui, nous ne pouvions pas ignorer la situation en Ukraine ; dans ce contexte, nous avons discuté des perspectives de coopération dans le Format Normandie. Nous allons continuer à insister sur la mise en œuvre de toutes les clauses des accords de Minsk du 12 février.

En conclusion, je tiens à remercier Monsieur le Président et tous ses collègues français pour ce dialogue ouvert et constructif. Nous avons convenu de poursuivre notre discussion à Paris dans le cadre de la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique.

Merci pour votre attention.

 

François Hollande, Président de la France :

Mesdames, Messieurs, j’avais souhaité rencontré le président Poutine dans le cadre de l’initiative diplomatique, politique que j’ai prise au lendemain des terribles attentats qui ont frappé Paris.

Je veux d’abord remercier le président Poutine et le peuple russe pour les marques d’amitié, de sympathie et de solidarité à l’égard des familles des victimes et à l’égard également du peuple français.

Pour ce qui me concerne, j’ai une fois encore dit au président Poutine notre soutien après l’attentat dont la Russie a été également victime avec cet avion abattu en plein ciel égyptien et qui a fait plus de 224 morts.

Nous sommes donc tous concernés par le terrorisme. Le terrorisme peut frapper partout, nous devons donc agir et c’est le sens de ce que nous devons traduire de notre rencontre, agir.

Le Conseil de sécurité, la semaine dernière, a adopté une résolution à l’unanimité pour que les États du monde puissent prendre les mesures nécessaires pour coordonner leur action en vue de mettre un terme aux actes terroristes et notamment de Daech. Nous nous inscrivons dans ce processus et c’est finalement la première réalité de la coalition large que la France souhaite voir se constituer, coalition du monde entier contre le terrorisme.

Ce consensus est nécessaire mais il n’est pas suffisant. Nous devons prendre aussi nos responsabilités. C’est ce que fait la France en frappant les centres opérationnels et les lieux d’entraînement de Daech, en bombardant les sites pétroliers exploités par ce groupe terroriste qui se finance à travers la contrebande du pétrole, nous le savons.

La France a intensifié ses actions grâce à la présence du porte-avions Charles-de-Gaulle au plus près et nous allons encore accroître notre soutien aux groupes qui, sur le terrain en Syrie, se battent en première ligne pour libérer les zones occupées par Daech.

Éradiquer Daech, cela veut dire aussi – et nous en convenons avec le président Poutine – traiter le mal à la racine. Depuis 2011, le chaos qui sévit en Syrie a fait près de 300 000 victimes, des millions de réfugiés. Aussi nous voulons que les discussions de Vienne puissent ouvrir une solution politique. Il y a des conditions pour aboutir à une issue et donc je considère qu’il faut respecter les principes suivants si l’on veut assurer une transition politique : les pouvoirs exécutifs doivent être confiés à un gouvernement d’union indépendant pour le temps de la transition ; cette transition doit aboutir à une Constitution, des élections comportant toutes les communautés, ainsi que les membres de la diaspora.

Pour ce qui concerne la France, il est clair que Bachar n’a pas sa place dans l’avenir de la Syrie. Mais j’ai la conviction que la Russie peut jouer un grand rôle dans le processus que je viens de décrire. J’ai indiqué au président Poutine que la France souhaitait travailler avec la Russie au service d’un objectif clair, simple, combattre Daech et les groupes terroristes et eux seuls.

C’est pourquoi notre entretien a été utile. Nous nous sommes accordés, le président Poutine et moi-même, sur trois points essentiels : premièrement, nous allons augmenter les échanges d’informations et de renseignements de toute nature et notamment entre nos forces. Les frappes contre Daech seront intensifiées et feront l’objet d’une coordination pour augmenter leur efficacité et notamment sur le transport du pétrole. Troisièmement – et le président Poutine vient d’insister aussi là-dessus –, les forces luttant contre Daech et les groupes terroristes ne doivent pas être visées par nos actions, nous devons aller frapper les groupes terroristes et Daech.

 

Je veux également souligner que l’Europe se mobilise également dans ce combat contre le terrorisme. J’avais demandé que les ministres de la Défense de tous les pays européens puissent prendre des dispositions en fonction des traités et aussi bien le Royaume-Uni, par la voix de David Cameron quand il est venu à Paris, qu’Angela Merkel encore aujourd’hui viennent de prendre ou d’annoncer des décisions importantes.

 

Nous avons aussi, avec le président Poutine, échangé sur un autre sujet, la crise qui se prolonge à l’Est de l’Ukraine. Une crise sur laquelle d’ailleurs nous échangeons régulièrement, nous travaillons dans le cadre du Format Normandie. La dernière fois que nous nous sommes rencontrés sur ce sujet, c’était à Paris avec la Chancelière Merkel et le Président Porochenko.

J’ajoute d’ailleurs que dans cette réunion de Paris, le président Poutine et moi-même avions déjà abordé la question de la Syrie et appelé à une coordination. Aujourd’hui, elle est renforcée. La priorité que nous donnons à l’action contre le terrorisme et notamment en Syrie ne change en rien la détermination qui est celle de la France de trouver une solution pour un règlement politique à l’Est de l’Ukraine et nous avons là aussi un cadre simple, un objectif lisible, nous devons mettre pleinement en œuvre les mesures qui sont dans l’Accord de Minsk.

Voilà pourquoi je voulais venir ici, à Moscou, pour rencontrer le Président Poutine. Je le recevrai lundi pour la Conférence sur le climat qui est aussi un grand enjeu pour la planète mais l’urgence et la nécessité de lutter contre le terrorisme exigeaient que je sois ici présent à Moscou.

 

Question (journaliste français) : Bonsoir. Une question pour M. Poutine. Monsieur le président, êtes- vous d’accord sur le fait que le maintien de M. Assad en fonction entrave la réalisation de vos objectifs communs ? Etes-vous parvenu à un accord déterminant quels groupes doivent et ne doivent pas être la cible de frappes aériennes ?

Vladimir Poutine : Je crois que le sort du président de la Syrie doit rester entièrement entre les mains du peuple syrien.

En outre, nous convenons tous qu’il est impossible de lutter avec succès contre le terrorisme en Syrie sans opérations au sol, et il n’existe pas de force aujourd’hui qui puissent mener des opérations terrestres dans la lutte contre Daech, Jabhat al-Nusra et les autres organisations terroristes en dehors de l’armée gouvernementale syrienne.

A cet égard, je pense que l’armée du président Assad et lui-même sont nos alliés naturels dans la lutte contre le terrorisme. Il peut y avoir d’autres forces sur le terrain qui parlent de leur volonté de lutter contre le terrorisme. Nous essayons actuellement d’établir des liens avec elles, nous l’avons déjà fait avec certaines d’entre eux, et comme je l’ai dit de nombreuses fois, nous serons prêts à soutenir leurs efforts dans la lutte contre Daech et les autres organisations terroristes, comme nous soutenons l’armée d’Assad.

Nous avons convenu – et je pense que c’est là une partie très importante de nos accords avec Monsieur le Président aujourd’hui – que, tout comme nous le faisons avec certains autres pays de la région, nous allons échanger des informations sur les territoires qui sont occupés par des groupes d’opposition sains plutôt que par des terroristes, et nous éviterons d’y mener des frappes aériennes. Nous allons également échanger des informations lorsque nous – la France et la Russie – sommes absolument sûrs que certains territoires sont occupés par des organisations terroristes, et nous coordonnerons nos efforts dans ces zones.

 

Question (journaliste russe) : Je voudrais poser une question au président de la Russie. Monsieur le président, nous évoquons actuellement une coalition de grande envergure et à cet égard, je voudrais poser une question à propos de la place particulière de la Turquie dans cette histoire. Aujourd’hui, par exemple, l’armée russe a signalé qu’elle a intensifié ses frappes sur le quadrant syrien où l’avion russe a été abattu. Dans le même temps, les médias turcs accusent pratiquement la Russie d’avoir bombardé un convoi humanitaire. Dans ce contexte, avez-vous évoqué la Turquie lors de votre entretien avec François Hollande ? Et que pouvez-vous dire quant au rôle de la Turquie dans toute cette histoire et dans nos relations avec ce pays ?

Vladimir Poutine : Comme vous le savez, la Turquie est membre de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord. La France est également membre de l’OTAN, et nous comprenons donc la position de la France dans cette situation. Mais Monsieur le président a exprimé ses condoléances suite à la mort de nos militaires, et nous lui en sommes reconnaissants.

Quant au territoire que vous avez mentionné, où nos militaires sont morts, en effet, les forces armées syriennes ont utilisé les lance-roquettes multiples que nous leur avons fournis récemment, dans des actions coordonnées avec notre Armée de l’Air, et les frappes dans cette zone ont été intensifiées tout de suite après que nous ayons reçu des informations crédibles, selon lesquelles l’un de nos militaires avait été tué, et nous avons ainsi été en mesure de sauver le second. Comment aurait-il pu en aller autrement ? Telle est la manière de procéder.

A cet égard, je tiens à faire un commentaire sur ce que nous entendons au sujet de certaines tribus proches de la Turquie, les Turkmènes, et ainsi de suite. Tout d’abord, une question se pose : qu’est-ce que les représentants d’organisations terroristes turques, qui se montrent à la caméra et postent leurs images partout sur Internet, font sur ces territoires ?

Deuxièmement, qu’est-ce que des ressortissants de la Fédération de Russie, que nous recherchons pour leurs crimes et qui sont clairement classés comme des terroristes internationaux, font sur ce territoire ? Nos militaires œuvraient dans ce quadrant pour empêcher le retour possible de ces personnes sur le territoire de la Russie pour y commettre des crimes ; ils accomplissaient leurs devoirs envers leur patrie, envers la Russie, directement. Directement ! Je repose la question : que font ces personnes là-bas ? Nous considérons qu’il est tout à fait justifié d’intensifier les efforts de notre aviation dans ces territoires et d’y soutenir l’intensification des efforts déployés par les forces syriennes.

Quant au bombardement d’un convoi humanitaire, pour autant que je sache, l’organisation humanitaire à laquelle les autorités turques font référence a déjà déclaré qu’aucun de ses convois et représentants n’étaient présents dans cette zone au moment des faits. S’il y avait effectivement une sorte de convoi à cet endroit, il n’était certainement pas pacifique. S’il y avait un quelconque « convoi », alors je suppose que conformément au droit international, il lui était nécessaire de déclarer de quel type de convoi il s’agissait, où il se dirigeait et ce qu’il faisait. Et si rien de tout cela n’a été fait, alors nous soupçonnons que ce convoi ne transportait pas une cargaison purement humanitaire. C’est là un nouvel élément de preuve de la complicité dont bénéficient les terroristes internationaux.

 

Question (journaliste français) : Bonsoir. Ma question s’adresse aux deux Présidents. Monsieur Poutine, pourquoi avez-vous déployé les systèmes de roquettes multiples S-400 ? Monsieur Hollande, ce déploiement des S-400 est-il compatible avec les efforts de la coalition internationale ?

Vladimir Poutine : Le S-400 n’est pas un système de lance-roquettes multiples, mais un système de missiles anti-aériens. Nous ne disposions pas de ces systèmes en Syrie parce que notre aviation opère à des hauteurs que la main criminelle des terroristes ne peut pas atteindre. Ils ne possèdent pas la technologie militaire adéquate qui serait capable d’abattre des avions à une hauteur de plus de trois ou quatre mille mètres. Il ne nous était jamais venu à l’idée que nous pourrions être frappés par un pays que nous considérions notre allié.

Après tout, nos avions, volant à une hauteur de cinq à six mille mètres, n’étaient aucunement protégés ; ils n’étaient pas protégés contre d’éventuelles attaques par des avions de chasse. Si nous avions ne serait-ce que pensé que cela pouvait être possible, alors en premier lieu, nous y aurions depuis longtemps établi des systèmes de défense pour protéger nos avions contre d’éventuelles attaques.

En outre, il existe d’autres formes de technologies et de protections militaires, par exemple, les chasseurs d’escorte, ou au moins des moyens techniques de défense contre les attaques de missiles, notamment des défenses thermiques. Les experts savent comment cela peut être mis en place.

Je le répète, nous n’avons rien fait de tout cela parce que nous considérions la Turquie comme un Etat ami et ne nous attendions tout simplement pas à une attaque de la part de ce pays. Voilà précisément pourquoi nous considérons ce qui est arrivé comme un coup de poignard dans le dos.

Nous avons maintenant vu que cela est possible ; nous avons perdu des soldats là-bas. Nous sommes obligés d’assurer la sécurité de nos avions. Nous avons donc déployé un système S-400 moderne. Il fonctionne sur une longue distance et c’est l’un des systèmes du genre les plus efficaces au monde.

Mais nous ne nous limiterons pas à cela. Si nécessaire, nous allons compléter l’activité de nos chasseurs par des avions de combat et d’autres moyens, y compris la guerre électronique. Il y a effectivement beaucoup de systèmes de protection, et nous allons maintenant les déployer et les utiliser.

Cela ne contredit en rien ce que nous faisons avec la coalition dirigée par les Etats-Unis. Nous échangeons des informations avec elle, mais nous sommes très préoccupés par la nature des échanges et les résultats de notre travail commun.

Considérez donc ceci : nous avons averti nos partenaires américains à l’avance quant aux zones où nos pilotes allaient opérer, à quelle altitude, etc. Les Américains, qui dirigent la coalition qui comprend la Turquie, connaissaient le lieu et l’heure des vols. Et c’est précisément là et à ce moment que nous avons été frappés.

Je vous demande donc : pourquoi avons-nous fourni cette information aux Américains ? Soit ils ne peuvent pas contrôler ce que leurs alliés font, soit ils répandent ces informations à gauche et à droite, sans en comprendre les conséquences. Naturellement, nous aurons besoin d’avoir des consultations sérieuses avec nos partenaires sur cette question. Mais le système de défense aérienne n’est en aucune façon dirigé contre nos partenaires, avec qui nous combattons les terroristes en Syrie.

 

François Hollande : Je veux revenir sur l’incident de mardi, qui a conduit à la destruction d’un chasseur russe par l’aviation turque. Parce que c’est un incident grave et parce qu’il est évidemment regrettable. J’en ai parlé au président Erdogan, j’en ai parlé au président Poutine. Il est essentiel dans cette zone et dans cette période d’éviter tout risque et tout nouvel incident et de prévenir toute escalade.

Le seul objectif que nous devons tous avoir, c’est la lutte contre Daech et la neutralisation des terroristes. Il n’y a pas d’autre objectif. Nous devons donc en tirer les conclusions. Renforcer la coordination entre les différents pays, afin que les forces qui sont présentes, les avions qui peuvent frapper, ne puissent pas rentrer dans un malentendu, une collision, un incident. Il faut éviter que cela puisse se reproduire. D’où l’initiative que j’ai prise, qu’il puisse y avoir cette coordination et cette coopération, avec le but que je viens d’indiquer.

Enfin, dans ce dont nous avons convenu avec le président Poutine, c’est un point très important : de ne frapper que les terroristes, que Daech et les groupes djihadistes et de ne pas frapper les forces et les groupes qui luttent contre le terrorisme. Nous allons échanger nos informations là-dessus, ce qui peut être frappé et ce qui ne doit pas être frappé.

Donc, double effort de coordination, c’est d’éviter qu’il puisse y avoir des incidents entre tous les pays qui luttent en Syrie contre le terrorisme. Deuxièmement, que nous puissions avoir des cibles que chacun peut comprendre.

 

 

Question (journaliste russe) : Vous avez parlé de la nécessité d’organiser une large coalition. Est-ce le genre de coalition dont vous avez parlé lors de votre intervention à l’ONU, ou est-ce que la concurrence entre les coalitions va se poursuivre ? Si la concurrence continue, nous aurons à nous interroger sur l’efficacité que peuvent avoir de telles coalitions, en particulier après l’incident avec l’avion russe. Ou bien envisagez-vous une nouvelle coalition commune, et si oui, est-il possible qu’une telle coalition puisse en venir à agir dans d’autres pays également sous la menace de Daech, et pas seulement en Syrie ?

Pour en revenir à l’incident avec l’avion russe, il y a quelques heures, le président turc a déclaré dans une interview que si la force aérienne turque avait su que l’avion était russe, elle n’aurait pas agi comme elle l’a fait. Il a également déclaré que les forces turques détruisent toutes les cargaisons de pétrole de Daech qu’elles saisissent, et que si la Russie a d’autres informations et peut prouver le contraire, le président est prêt à démissionner. Je voudrais entendre vos commentaires sur ces déclarations.

Vladimir Poutine : En ce qui concerne la coalition, le président Hollande et moi avons discuté de cette question aujourd’hui. Nous respectons la coalition menée par les Etats-Unis et nous sommes prêts à travailler avec cette coalition. Nous pensons qu’il serait préférable d’établir une coalition unifiée et commune. Cela rendrait plus simple et plus facile, et, je pense, plus efficace la coordination de nos efforts communs dans cette situation. Mais si nos partenaires ne sont pas prêts à cela… En fait, c’est de cela que j’ai parlé à l’ONU. Mais si nos partenaires ne sont pas prêts à cela, très bien, nous sommes prêts à travailler dans d’autres formats, dans tout format que nos partenaires trouveraient acceptable. Nous sommes prêts à coopérer avec la coalition menée par les Etats-Unis.

Mais bien sûr, des incidents tels que la destruction de notre avion et la mort de nos militaires – le pilote, et un marine qui tentait de sauver ses frères d’armes – sont totalement inacceptables. Notre position est que cela ne doit pas se reproduire. Sans cela, nous n’avons aucun besoin d’une telle coopération, avec quiconque, toute coalition ou tout pays.

J’ai discuté de tout cela en détail avec le Président de la France. Nous avons convenu de travailler ensemble au cours de la période à venir, en format bilatéral, et avec la coalition menée par les Etats-Unis en général.

La question est de délimiter les territoires qui sont des cibles pour les frappes et ceux où il vaut mieux éviter de lancer des frappes, l’échange d’informations sur ces questions et d’autres, et de coordonner l’action dans les zones de combat.

 

Quant à la question du pétrole et l’affirmation selon laquelle il est détruit sur le territoire turc, au sommet du G20, qui a justement eu lieu en Turquie, à Antalya, j’ai montré une photographie (je m’étais déjà exprimé publiquement sur ce point) prises par nos pilotes à une hauteur de 5000 mètres. Les véhicules qui transportent du pétrole constituaient une longue file qui disparaissait à l’horizon. Cela ressemble à un pipeline vivant. Ce sont des fournitures de pétrole à l’échelle industrielle venant de parties de la Syrie maintenant entre les mains des terroristes. Ce pétrole provient de ces régions, et non pas d’autres endroits. Nous voyons depuis nos avions où ces véhicules se dirigent. Ils se dirigent vers la Turquie, jour et nuit. Je peux imaginer que peut-être, les plus hauts dirigeants de la Turquie ne sont pas au courant de cette situation. C’est difficile à croire, mais théoriquement, ce serait possible.

 

Cela ne signifie pas que les autorités turques ne doivent pas tenter de mettre fin à ce commerce illégal. Le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté une résolution spéciale qui interdit l’achat direct de pétrole aux terroristes, parce que ces barils sont remplis non seulement de pétrole, mais aussi du sang de nos citoyens, et parce que les terroristes utilisent l’argent de ce commerce pour acheter des armes et des munitions et mener des attaques sanglantes comme celles contre notre avion dans le Sinaï, les attentats à Paris et dans d’autres villes et pays.

Si les autorités turques détruisent ce pétrole, pourquoi ne voyons-nous pas de fumée provenant des incendies ? Permettez-moi de dire encore une fois que cela est de l’approvisionnement en pétrole à une échelle industrielle. Il faudrait construire des installations spéciales entières pour détruire de telles quantités de pétrole. Rien de tel ne se déroule. Si les plus hauts dirigeants de la Turquie ne sont pas au courant de la situation, qu’ils ouvrent leurs yeux sur celle-ci dès maintenant.

Je serais prêt à croire que de la corruption et d’obscurs contrats en sous-main pourraient être impliqués. Qu’ils fassent la lumière sur tout ce qui se passe là-bas. Mais il n’y a absolument aucun doute que le pétrole se dirige vers la Turquie. Nous voyons cela depuis nos avions. Nous voyons que des véhicules chargés s’y dirigent dans un flux constant et en reviennent vides. Ces véhicules sont chargés en Syrie, en territoire contrôlé par les terroristes, ils vont en Turquie puis retournent en Syrie vides. Nous le voyons tous les jours.

En ce qui concerne la question de savoir si oui ou non le président turc devrait démissionner, cela ne nous concerne aucunement, mais c’est l’affaire du peuple turc. Nous ne nous sommes jamais immiscés dans les affaires internes des autres et nous ne le ferons pas maintenant. Mais c’est bien dommage de perdre le niveau des relations bilatérales sans précédent que nous avons développées avec la Turquie au cours de ces dernières années. Nous avions vraiment atteint un très haut niveau de relations et nous considérions la Turquie non seulement comme notre voisin, mais aussi comme un pays ami et pratiquement comme un allié. Il est très triste de voir tout cela détruit de la sorte, avec brutalité et insouciance.

 

François Hollande : Si le Président Poutine m’y autorise, je voudrais répondre à la question qui lui était adressée, en donnant le point de vue français. Il y a une coalition qui existe déjà et depuis plusieurs mois, la France y participe. Son domaine d’action était l’Irak. Avec le gouvernement irakien, il était très important de pouvoir lui donner l’appui nécessaire pour lutter contre l’organisation Daech et le terrorisme qui hélas, ensanglante ce pays, l’Irak.

Cette coalition ensuite s’est élargie géographiquement vers la Syrie. La France intervient en Syrie, en lien avec cette coalition. J’en ai décidé au mois de septembre dernier, d’abord par des vols de reconnaissance, puis maintenant des frappes. Au nom d’une légitime défense qui était effectivement bien établie, puisque nous savons que les terroristes qui ont frappé Paris et la ville de Saint-Denis ont été entrainés et hélas, préparés à faire leurs sinistres attentats de Raqqa, c’est-à-dire de Syrie.

Nous voulons maintenant qu’il y ait une coordination. Elle est vraiment nécessaire. Elle est indispensable. D’abord, pour éviter des incidents, mais surtout pour être efficace pour frapper Daech, le terrorisme. Cette coordination doit être une coopération, les échanges d’informations, de renseignements, le choix des cibles, tout cela nous permet d’agir.

Les Nations Unies, par cette résolution du Conseil de sécurité, ont appelé à cet engagement. Je salue donc les pays européens qui ont pris aussi leurs responsabilités.

Si nous voulons être efficaces, c’est le deuxième point que je veux aborder, il faut frapper Daech là où il y a des centres d’entrainement, où il y a l’organisation de cette armée terroriste. Mais il faut frapper aussi ses sources d’approvisionnement, ses recettes, notamment le pétrole. S’il y a un point sur lequel nous devons nous coordonner, c’est bien pour frapper là où ses camions, en grand nombre, viennent s’approvisionner pour ensuite écouler le pétrole à qui veut l’acheter et donner ainsi des ressources à Daech.

Donc, je peux vous donner cette information, nous allons continuer à frapper ces véhicules et ces lieux d’exploration ou d’exploitation en l’occurrence des ressources pétrolières qui en définitive servent à Daech de source de financement.

Enfin, je l’ai également affirmé, nous devons appuyer des groupes qui, localement, peuvent permettre la reconquête. Pour nous, la France, avec les pays de la coalition, nous allons favoriser ces groupes, pour qu’ils puissent agir contre Daech. C’est toujours le même objectif : agir contre Daech, détruire cette organisation terroriste.

 

Vladimir Poutine : Quant à l’idée que l’aviation turque n’aurait pas reconnu notre avion, cela est tout simplement impossible. C’est hors de question. Nos avions ont des marques d’identification très distinctes. C’était évidemment notre avion et celui de personne d’autre.

Par ailleurs, permettez-moi de dire encore une fois que conformément à nos accords avec les Américains, nous avons toujours donné des informations préalables sur les opérations de nos avions, sur les formations, zones et horaires. Nous considérons que cette coalition est effective, et la Turquie, en tant que membre de cette coalition, aurait dû savoir que des avions russes opéraient à cet endroit à ce moment. De quels autres avions aurait-il pu s’agir ? Qu’auraient-ils fait s’ils avaient découvert que c’était un avion américain ? Auraient-ils tiré sur un avion américain ? Ce ne sont que des propos absurdes, une tentative de se trouver des excuses. Il est déplorable de voir qu’au lieu de mener une enquête approfondie sur la situation et de prendre des mesures pour faire en sorte que de telles choses ne se reproduisent jamais, nous entendions d’eux ces explications et déclarations confuses, au point qu’ils n’estiment pas même devoir présenter des excuses. Eh bien, ce n’est pas notre choix, mais le choix de la Turquie.

 

Source : Le Kremlin http://ift.tt/1PfkccX

Traduction: Salah Lamrani

 

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